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Faire un historique de la joute, c’est avant tout évoquer les relations
que l’homme a su tisser entre lui et l’eau. Relations nées de la nécessité
de voyager en bateaux et dans laquelle nous pouvons voir un mélange de haine
et d’amour, de peur et de fascination.
Dès lors, voyons ensemble le long cheminement de la joute à travers les
âges.
Par définition, le mot joute vient du bas latin «juxtare» qui signifie
«toucher à». Pourtant, c’est bien avant la civilisation romaine qu’il nous
faut remonter le temps puisque le plus ancien document présentant des hommes
dans une action de joute date d’une époque allant de 2900 à 2400 avant Jésus
Christ, dans l’ancienne Egypte. Il s’agit d’une fresque appartenant au
tombeau de Khoum el Ahmar et sur laquelle figurent des hommes armés de
lances, venant à la rencontre l’un de l’autre, sur des bateaux.

Nous savons aujourd’hui que cette pratique était courante chez les Pharaons.
Leurs expéditions fluviales permettaient, lors du retour, des réjouissances
sur le Nil. Les marins qui avaient fait le voyage étaient des acteurs de ces
joutes. Les Romains prirent connaissance de la joute avec les campagnes d’Égypte
et, tout naturellement, l’importèrent durant la conquête de la Gaule. La fin
de l’empire romain, les invasions barbares, le haut Moyen -Age, sont autant
de périodes troubles qui nous font perdre la trace de la joute.
En France, c’est au XIIème siècle que les chroniqueurs nous parlent de la
joute. Le 2 juin 1175, jour de la fête de St Pothin, eurent lieu des joutes
nautiques, à la hauteur du rocher de Pierre Bénite, pour le premier
millénaire des martyrs de Lyon et de Vienne.
A partir du milieu du XIIème siècle, les Templiers ont largement répandu en
France l’usage de la joute. Ils trouvaient dans cette pratique le meilleur
entraînement qui soit pour leurs équipées futures. Ils avaient d’importantes
commanderies dans toute la France, dans les ports bien sûr, mais également
le long des fleuves et c’est ainsi que la pratique de la joute se propagea.
Une autre forme de joute apparaît au Moyen Age. Il s’agit de la joute à
cheval, combat courtois à la lance que se livraient deux chevaliers. Déjà
démodée au XVIème siècle, elle disparut en France après la mort dramatique
du roi Henri II. Le XIIIème siècle perpétue la tradition de la joute puisque
à Aigues-Morte les Croisés joutèrent pour s’entraîner en attendant le départ
pour la Terre Sainte avec le roi St Louis.
La Renaissance se passionna pour les combats sur l’eau et les chroniqueurs
de l’époque nous rapportent que les rois de France se plaisaient à en voir.
En 1495, c’est le roi Charles VIII qui vint voir les jouteurs sur la Saône.
En 1507, les pêcheurs de St Vincent joutèrent sur la Saône à St Jean, pour
distraire de Bretagne. En 1536, François Ier eut une magnifique réception de
la part des mariniers du pont de St Just-St Rambert qui lui donnèrent un
spectacle de joute. Le 23 septembre 1548, c’est en présence du roi Henri II
et de Catherine de Médicis que «ceux de St Vincent et de St Georges jouent à
se renverser les uns les autres et se culbuter dans l’eau».
En 1601, pour les fêtes de Pentecôte, un tournoi est disputé à Agde, en
présence et en l’honneur d’un Grand du royaume. Le 29 juillet 1666, des
fêtes nautiques furent organisées pour l’inauguration du port de Sète. La
joute est désormais bien implantée en France et les organisateurs des
divertissements royaux, au XVIIème siècle, font souvent appels à des
jouteurs pour agrémenter leurs spectacles.
En 1736, on jouta sur la Seine pour le mariage de Madame Louise-Elisabeth et
Don Philippe, Infant et Grand Amiral d’Espagne. En 1744, pour la
convalescence du roi Louis XV, il y eut des joutes données par les pêcheurs
et bateliers de Strasbourg. Dans la région lyonnaise, un grand spectacle de
joute est organisé à l’Ile Barbe en 1782. En 1790, lors de la fête de la
Fédération à Paris, on a recours à la joute pour donner un grand spectacle.
Le XIXème siècle est très important dans l’évolution de la joute puisque
c’est à cette époque que naissent les premières sociétés, les premiers
règlements et que sont précisées les différentes méthodes. Dans le quartier
St Georges à Lyon, les jouteurs de Loyasse forment une société. D’autres
suivront bientôt. A Accolay, en 1830,les jouteurs s’affrontaient sur des
bateaux qui servaient à porter le bois. A Poissy, les frères Noël furent
célèbrent pour leurs querelles lors des tournois. L’un d’eux partit à Paris
et organisa même une rencontre de joute sur la scène du Lido.
La France n’est pas le seul pays d’Europe à connaître la joute à cette
époque. Elle existe en Italie, en Belgique, au Danemark, en Angleterre. Si
la joute se développe, elle le doit à la batellerie. Les mariniers des
fleuves aimaient à s’affronter sur l’eau en dehors de leur travail. Ils
savaient également se faire sauveteurs bénévoles lors des crues secouant les
fleuves. De l’humble marinier jusqu’au riche maître d’équipage, tous avaient
le fleuve en eux. Voilà pourquoi leurs rares moments de loisirs étaient
consacrés à la pratique des jeux nautiques.
Dans notre région, des sociétés se créèrent à Givors en 1886, à Vernaison en
1887, à la Mulatière en 1891… Ce qui n’était qu’un divertissement populaire
commence dès lors à s’organiser. Une Union Fédérale des Sociétés de Natation
et de Sauvetage est créée le 27 mars 1899. Le 30 juin 1901 a lieu le premier
Championnat de joute lyonnaise, sur le lac de la Tête d’Or à Lyon. En 1905,
la Fédération des Sociétés de Natation et de Sauvetage voit le jour.
Par la suite, des championnats de France sont organisés mais ils ne
regroupent que les jouteurs d’une même région. En 1953, à Tournon, une
finale de Championnat de France de joute avec le Comité Nord et le Comité
Sud (région lyonnaise) est organisée en méthode lyonnaise et givordine. Peu
à peu, la joute est reconnue comme un sport à part entière, pratiquée selon
différentes méthodes. La Fédération Française de Joute et de Sauvetage
Nautique est reconnue par Jeunesse et Sports, le 21 avril 1971. Petit à
petit, elle regroupe les diverses méthodes pratiquées en France pour en
accueillir aujourd’hui six : la lyonnaise, la givordine, la parisienne, la
languedocienne, la provençale et l’alsacienne.
Pratique ancestrale, réjouissance populaire, la joute a évolué, s’est
codifiée et structurée. Que de chemin parcouru depuis les égyptiens. Soyons
fiers de son histoire afin qu’elle dure encore longtemps en ce début de
XXIème siècle.
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